CIC 2022 : Conférence Internationale du CERDOTOLA 2022

Information sur l'intervenant

Pr Blaise Alfred Ngando

Université de Yaoundé 2

Cameroun

Agrégé d'histoire du droit (Major du concours CAMES 2013), Blaise Alfred NGANDO est Professeur Titulaire (CAMES) à l'Université de Yaoundé 2-Soa. Principal spécialiste de la discipline d'histoire du droit dans les Facultés de droit au Cameroun, il est auteur de plusieurs publications dont:

- La présence française au Cameroun 1916-1959: colonialisme ou mission civilisatrice?, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2008 (ouvrage honoré du Prix Luc Durand-Reville décerné en 2009 par l'Académie des Sciences d'Outre-mer de Paris)

- Genèse de l'État et du Droit au Cameroun 1472-1961. Les racines d'une Nation en construction, Paris, L'Harmattan, 2020

Pionnier de l'École camerounaise d'histoire du droit, le Professeur NGANDO s'évertue à implanter cette discipline dans la sphère universitaire camerounaise depuis plus d'une décennie. Il contribue ainsi à montrer l'intérêt de recourir à l'histoire du droit et à l'anthropologie juridique pour prendre en compte les dynamiques sociales endogènes dans la fabrication du droit en Afrique. Autrement dit, il participe à la réinvention d'un droit africain original, plus réaliste pour permettre aux Africains de redevenir maîtres de leur destin dans l'histoire universelle. Le Professeur NGANDO codirige depuis 2019 avec le Recteur Mamadou BADJI (Université de Zinguinchor/Sénégal) la collection "Mémoires du droit en Afrique" aux Éditions L'Harmattan à Paris.

 

Titre de la communication

« Histoire de la pensée juridique en Afrique de l’Egypte antique à l’Etat contemporain : Eléments pour l’élaboration d’une théorie du droit africain »

Résumé de Communication

Résumé

D’après l’adage romain, « toute société connaît le droit » (ubi societas, ibi ius). Pourtant, pendant longtemps, les doctrines sur l’ « inégalité des races humaines » ont disqualifié l’Afrique noire du champ de la civilisation et du droit. Or, comme partout ailleurs dans le monde, l’Afrique a une histoire juridique propre, que l’historiographie remonte à l’Egypte antique, depuis que les travaux de Cheikh Anta Diop ont essayé de démontrer la profonde unité anthropologique et culturelle entre la civilisation égyptienne et l’Afrique noire. En auscultant l’anthropologie et l’histoire des institutions africaines, nous verrons comment la pensée juridique africaine s’est construite depuis l’Egypte antique jusqu’aux grands Empires du soudan occidental; ensuite, comment cette pensée a été disqualifié du champ de la civilisation dès l’aube de la domination coloniale occidentale; enfin, nous verrons l’effort fait par les anthropologues et historiens du droit pour réhabiliter cette pensée. Devant la pertinence du discours anthropologique pour comprendre l’altérité et les autres cultures, l’idée d’une « pensée juridique africaine » est désormais admise dans la doctrine juridique.

Il en ressort que l’esprit magico-religieux et pluraliste du droit africain originel a sécrété des sources et des caractères particuliers qui constituent la boussole de la régulation sociale dans l’Afrique traditionnelle. Paysanne et stratifiée, la société traditionnelle africaine est en effet organisée selon le modèle communautariste, et son droit originel de type oral est un modèle juridique « négocié » fondé sur la sacralité, l’ancestralité, c’est-à-dire la perpétuelle immanence du monde invisible sur les vivants en vue du maintien permanent de la justice et de la paix sociale.

A ce jour, l’Afrique compte 54 Etats reconnus par l’Organisation des Nations Unies. Dans ces pays, des éléments venant des cultures traditionnelles vivent en opposition, voire s’entremêlent à des apports lointains venant de l’Egypte pharaonique, de l’islam, du christianisme et de l’Etat de droit occidental. Pour redevenir souveraine de son destin dans l’histoire universelle, l’Afrique doit réinventer sa propre voie juridique en passant d’une dialectique étroite « droit-Etat » à celle plus ouverte « droit(s)-société(s) ». Par ce processus de « déconstruction-reconstruction », le défi est de procéder à un changement épistémologique par une démarche pluraliste qui permet de repenser les Etats Africains à partir du paradigme de la légitimité et de l’effectivité du droit pour opérer un meilleur ancrage social des politiques publiques.

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