Résumé
Le Nouveau Modèle de Développement pour les provinces du Sud (NMDPS) du Royaume du Maroc, conçu en 2012, est le document-cadre s’inscrivant dans le grand projet national de régionalisation avancée. Il s’agit du cadre programmatique et pragmatique du Plan d’autonomie des provinces du Sud (menacé par le séparatisme du Polisario), appuyé par l’ONU depuis 2007. Dans ce sillage le NMDPS dégage une exemplarité en rapport aux enjeux de renouvellement de la pensée africaine, en s’adossant sur quatre principes-directeurs : la création d’une nouvelle dynamique de croissance et des pôles de compétitivité régionaux ; la promotion d’un développement humain inclusif et la valorisation de la dimension culturelle ; le développement et l’aménagement territorial durables ; une gouvernance responsable au service de la confiance et de la démocratie.
A l’échelle transnationale et sous-régionale, le NMDPS présente la particularité de tenir compte des enjeux d’intégration inter-saharienne et interafricaine. Car, en privilégiant le désenclavement des provinces du Sud avec priorité à la connectivité des régions du Sud pour favoriser leur intégration réussie dans le vaste bassin économique maritime allant de la côte nord du pays à celle de l’Afrique de l’Ouest et des Iles Canaries, le NMDPS permet de remplacer progressivement la dangereuse dyade géopolitique Afrique-blanche-Afrique noire par un espace aux continuités économiques et culturelles avantageuses, dans le cadre de la ZLCAF. Le statut dédié au poste frontière de Guerguerate et à Bir Gandouz, comme portes d’entrée vers la profondeur africaine, constitue un réel atout pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine.
Ceci étant, comment s’articule et s’exécute le NMDPS au regard des exigences de la ZLECAF? Quels enjeux et leçons peuvent-ils être tirés et capitalisés pour optimiser la nouvelle pensée africaine du développement local inclusif, en rapport avec d'autres espaces interlocaux ?
Dans une approche comparatiste, cette réflexion ambitionne de faire également référence au Plan directeur consensuel des transports en Afrique centrale (PDCT-AC), une émanation des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC, pour dégager les meilleures leçons à tirer pour une pensée stratégique africaine plus systématique dans le cadre de la mise en place de la ZLECAF. La présente réflexion vise deux objectifs principaux : analyser l’originalité du NMDPS ainsi que sa pertinence comme approche innovante de renouvellement de la pensée africaine ; dégager son exemplarité intégrative en comparaison au PDCT-AC dans le cadre de la mise en œuvre de la ZLECAF. Pour cela, ce travail, issu des enquêtes de terrain (au Cameroun et au Maroc) et de l’exploitation documentaire existant, ressuscite la négociation et en dégage les contours déontologique, didactique et pédagogique, dans l’antre d’une Afrique économique intégrée à bâtir. Ainsi, deux visions émergent du foisonnement conceptuel ou empirique (théorique) et analysent la pertinence du développement par la construction systématisée des espaces interlocaux africains: l’interdépendance complexe et le gouvernementalisme. Les partisans de l’interdépendance complexe, théorisée par Robert O. Keohane et Joseph S. Nye, à côté des relations politiques, toujours centrées sur le pouvoir, prolifèrent les interactions économiques, sociales et culturelles pour lesquelles la puissance politique n’est plus un élément central. Quant à la théorie gouvernementaliste développée par Stanley Hoffmann et Raymond Aron, elle vise à comprendre les mécanismes par lesquels les Etats sont conduits à s’associer pour répondre plus efficacement aux besoins communs. Il s’agit, autrement, de la mise en commun de la souveraineté.