CIC 2022 : Conférence Internationale du CERDOTOLA 2022

Information sur l'intervenant

Dr Aliou Mohamadou

INALCO

Paris, France
Aliou MOHAMADOU est Chercheur à l'Institut National des Langues et Civilisations orientales (INALCO) à Paris et Membre du comité de lecture des revues : Linguistique et langues africaines. Il est Lauréat du Prix « Kadima des Langues africaines et créoles 8e édition» pour Le verbe en peul, Kinshasa, OIF, 2012, et du Prix « Kadima des Langues africaines et créoles 9e édition» pour Le dictionnaire des mots grammaticaux du peul, Kinshasa, OIF, 2014.  Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont en 2015, le Dictionnaire des mots grammaticaux et des affixes dérivatifs du peul, Paris, Karthala, et en 2014,  de l'ouvrage Le verbe en peul. Formes et valeurs en pulaar du Fuuta-Tooro, Paris, Karthala.
 

Titre de la communication

« Les langues africaines dans le processus de transmission et de refondation du système éducatif »

Résumé de Communication

Résumé

Les langues africaines ont obtenu, lentement, le statut officiel de langues nationales dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne. Quelques rares États les ont adoptées comme langues officielles à côté de l’anglais, du français ou d’autres langues. Une place leur a parfois été faite dans l’alphabétisation des adultes, avec et grâce à l’implication de mouvements associatifs. Les États francophones commencent à leur accorder un espace, bien que marginal, dans le système éducatif de base. Sur un autre plan, elles se manifestent spontanément dans les nouveaux médias.

Des enjeux considérables

Comme le souligne à juste titre l’appel à communication, ces langues représentent des enjeux considérables dans l’éducation,  au niveau de l’individu aussi bien qu’au niveau global de la société. Car l’acquisition des compétences de base se fait d’autant plus efficacement qu’elle passe par la langue que maîtrise l’enfant, la langue de son entourage immédiat. Elle lui permet de construire plus facilement sa personnalité et favorise son éveil et son épanouissement. Elle lui transmet les valeurs et les éléments qui fondent son identité. Et chacune des langues représente, à son échelle, aussi restreinte qu’elle soit, une vision et une représentation du monde uniques.

Des problèmes complexes

Si l’importance des langues nationales dans le système éducatif est reconnue, le problème de leur introduction effective dans l’enseignement reste cependant complexe et difficile. Il s’agit, en effet, de développer de nouvelles stratégies pédagogiques devant un problème inédit et devant des défis considérables ; ici, on ne peut plus calquer les méthodes qui prévalent, ni transvaser des contenus de systèmes scolaires « hérités ».

Bien au contraire, il y a nécessité de définir un projet scolaire qui s’inscrive lui-même dans un projet social, les questions posées étant multiples : que cherche-t-on à travers l’enseignement des langues africaines ? Quelles langues enseigner ? Quel contenu donner à cet enseignement et à quel niveau ? Quels rapports entretiendront les langues que l’on enseigne avec celles qui prévalent dans le système éducatif en vigueur ?

Il s’agit également de vaincre de nombreux obstacles, le premier étant psychologique, la question moqueuse, toujours sous-jacente, étant : « Les langues africaines, à quoi ça sert ? »

Mais les obstacles les plus sérieux sont scientifiques, techniques, matériels et économiques. Il manque des cadres compétents pour élaborer les contenus des enseignements de même que les supports pédagogiques, et pour développer une métalangue qui s’applique valablement et qui aille au-delà de listes de mots techniques. Il manque des ouvrages de référence dignes de ce nom, tout particulièrement des manuels, des grammaires et des dictionnaires.

Une approche globale

Qu’il s’agisse de ce problème ou de bien d’autres qui se posent aux sociétés africaines, aucun d’entre eux ne peut être résolu isolément : il est à aborder dans une perspective globale et à différents niveaux.

La problématique du développement des langues est à sortir du simple cadre scolaire et à situer dans le contexte de la société toute entière, dont la langue ne représente qu’une entité culturelle parmi d’autres, cette société étant elle-même articulée à différents niveaux, national, régional et local. Ce qui signifie, en d’autres termes, que les solutions sont nationales, mais également régionales et locales.

Dans cette perspective, la question des langues nationales devient, en tout premier lieu, un problème de leur propre transmission ; il est ensuite un problème de transmission de connaissances qu’elles véhiculent et un problème de transmission de valeurs et de la vision du monde dont elles sont porteuses. La solution du problème implique, certes, l’école, mais elle est à chercher avant l’école et au-delà du système scolaire.

Entre autres, un soutien doit être apporté aux langues africaines et aux créations littéraires dans les langues africaines, qu’elles relèvent de l’oralité ou de l’écriture littéraire, allant de la littérature enfantine — très importante dans l’acquisition du langage — aux romans, en passant par les nombreux genres littéraires oraux du patrimoine immatériel des cultures africaines. Ainsi, une place doit être faite dans le système scolaire à l’oralité et à l’expression orale et écrite dans les langues africaines.

La diversité des langues, loin d’être un obstacle au développement et à l’épanouissement de l’individu, représente une richesse inestimable dans un monde réducteur qui tend à tout uniformiser.

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